mercredi 31 août 2011

En passant par Page

Le chemin vers Kanab nous rapproche pas à pas des merveilles de la civilisation. Bientôt, affiches publicitaires et annonces de fast food accompagnent notre route. A l’approche du Lake Powell nous faisons le point sur les curiosités de la région, quand une pluie épaisse vient refroidir nos projets. Dans ces conditions il faudra oublier la trempette dans le lac et la visite d’Antelope Canyon, intrigante fissure dans la roche aux jeux de lumières déconcertants, dit-on, mais terriblement dangereuse quand il pleut.

Nous demandons au GPS de nous guider vers l’un des seuls restaurants recommandés par le Routard. La prosaïque ville de Page s’avère dénuée du moindre charme. Nous croisons quelques expéditions de touristes ridiculement juchés sur des camionnettes aménagées mais sans véritable toit. De ce fait, ils sont trempés jusqu’aux os. Je ne me vois décidément pas parmi ces pauvres gens ayant payé pour se faire ainsi exhiber à travers la ville, chemisettes grassement collées au corps et sac plastique sur la tête, tout dégoulinants de flotte… Je me sens aussi gêné qu’eux. Le tourisme organisé en Arizona n’est décidément pas fait pour les jours de pluie.

Nous faisons plusieurs fois le tour du pâté de maisons pour trouver une place à proximité du restaurant Fiesta Mexicana. Quand je descends de l’auto, je constate que les caniveaux sont parcourus d’un flux impétueux et sale, et nous devons faire de grandes enjambées pour ne pas nous trouver à notre tour détrempés.

Heureuse surprise, le restaurant mexicain n’est pas l’endroit toc décrit par le Routard. Le décor est kitsch mais ne fait que reprendre une esthétique courante chez le voisin du sud, comme devrait le savoir tout guide touristique digne de ce nom. La cuisine est savoureuse, le service impeccable assuré par d’authentiques Latinos avec lesquels j’échange quelques phrases, pour changer de mon anglais un peu trop laborieux.

Nous reprenons la route alors que le ciel retrouve en quelques minutes une teinte azurée. Le soleil de la Sun Belt aura tôt fait d’assécher les vestiges de l’averse monumentale. Nous profitons, en quittant Page, d’un arrêt à une station essence (dont la gérante parle un français émaillé de r délicieusement grasseyés) pour visiter une zone résidentielle construite sur une pente douce inclinée vers le lac. Le quartier est souverainement placide avec ses larges allées et ses villas couleur crème sagement alignées. Chacune possède son double emplacement pour voiture et bateau. Nous étions habitués aux autos spacieuses, nous découvrons les cabin cruisers effilés et équipés de moteurs monstrueux. La plaisance sur le Lac Powell est visiblement affaire de puissance et de vitesse ! Dire que j’imaginais trouver là les inoffensives coques de bois de nos latitudes… Je ne parviens pas à me faire à l’idée qu’ici, l’échelle n’est simplement pas la même.

Direction Kanab, Zion, Bryce, autant de noms qui n’évoquent rien du Far West aux novices que nous sommes. Nous passerons pourtant là-bas les journées les plus typiquement américaines de notre séjour.

samedi 27 août 2011

Merci Mr Goulding

Sans mister Goulding, l'histoire du cinéma aurait été autre. C'est lui qui, dans les années 1930, alla persuader John Ford de venir tourner ses westerns dans le désert rouge de Monument Valley. Cela n'avait rien d'évident : sans vraie route, l'endroit n'était pas accessible. L'eau était rare, et la région faisait partie de la réserve navajo.

Mais rien ne put réfréner l'enthousiasme de John Ford pour ce panorama sans équivalent. Il restait donc au cœur de l’Amérique de telles merveilles ! Stagecoach allait révéler John Wayne au monde. Nous connaissons ce film sous le titre maladroitement traduit de La chevauchée fantastique. La diligence de l’histoire, ou son exacte réplique, est exposée devant la maison de Mr Goulding, aujourd’hui transformée en musée, si l’on peut dire. Il s’agit plutôt d’une reconstitution in situ de scènes domestiques de la famille Goulding : la cuisine avec ses ustensiles, le salon équipé d’une TSF et d’un gramophone, la chambre à coucher… On est surpris par la modestie de la maison, si petite dans une perspective si étendue. A deux pas de là, l'authentique cabane de John Wayne.

Plus tard, pour Searchers (La prisonnière du désert), une véritable petite ville allait être construite pour accueillir équipes, acteurs et chevaux.... J'aime à croire que c’est ici même que nous nous installons pour un jour. L'endroit possède un restaurant et quelques chambres. Le lieu est empli de charme, plus encore que l'hôtel The View, un peu trop impersonnel dans sa modernité faussement ancestrale.

Les bâtiments en bois de Goulding’s Lodge, la piscine en contrebas, la vue surplombant un aérodrome desservis par des petits avions de transport, octroient au lieu un indéniable cachet d'authenticité. La vue sur la vallée des monuments est remarquable, bien qu’éloignée de la réserve navajo.

Nous prenons la voiture pour aller voir le Mexican Hat, rocher dont le sommet évoque, paraît-il, un chapeau mexicain. La curiosité est bien là, décevante en réalité, mais l’intérêt se trouve à l’évidence dans la route que nous empruntons. Elle longe la Monument Valley, que nous ne finissons pas de contempler. Son paysage héroïque éblouira notre retour vers Goulding’s Lodge.

Notre prochaine étape sera la ville de Kanab, autre haut-lieu des westerns. Mais comme on le verra il ne s’agit pas précisément de la même classe de films.

lundi 22 août 2011

Monument Valley

La sonnerie stridente du portable m'arrache à mon sommeil et je m'aperçois aussitôt que la chambre est claire. Me serais-je trompé dans la programmation du réveil ? Avons-nous raté le lever du soleil sur le désert, pour lequel nous avons fait tant de kilomètres ?

En deux pas nerveux, je suis accoudé au balcon pour constater qu'une petite foule de touristes a déjà pris place, au bout du bâtiment, pour assister au spectacle. Quel soulagement, nous n'avons rien manqué. Le soleil est encore sous l'horizon, la clarté émane du crépuscule matinal. Le jeu de lumières, splendide, réhausse encore la vision inouie des mittens et mesas de Monument Valley. Je photographie à tour de bras alors que la boule rougeâtre du soleil perce les nuages de l'aube. Je ne suis certes pas le seul si j'en juge par les cris d'admiration venus des autres balcons : Ooohh ! Aaahh ! Amazing ! Unbelievable !

Nous profitons du réveil pour une fois matutinal pour déjeuner et boucler nos affaires. Nous ferons la visite de la vallée avec la voiture chargée et rejoindrons ensuite directement le Goulding's Lodge pour la seconde nuit dans la région. Nous aurions bien aimé rester une nuit de plus dans The View hotel, si la place avait été disponible... Là encore, plusieurs mois à l'avance n'étaient pas suffisants pour réserver un séjour de deux nuitées. Peut-on raisonnablement s'en plaindre, surtout après pareille scène ? Je me félicite bien au contraire d'avoir pu dénicher in extremis la dernière chambre.

Dès le début du circuit sur la piste de poussière rouge, nous apprécions d'avoir loué un solide 4x4. Les rares limousines qui nous ont précédées louvoient entre ornières et portions bossuées et donnent le sentiment de pouvoir rester enlisées à tout moment. Rapidement nous sommes seuls entre les énormes pitons qui surgissent du sol ocre. Les autres visiteurs nous sont cachés par le relief et la distance.

Un premier arrêt nous permet de les retrouver. Il y a là des boutiques de souvenirs, que nous négligeons, une vendeuse de nourriture dont le mobile home est recouvert de maximes amusantes, et surtout un cow-boy. Ou plus exactement, le cow-boy, l'archétype du cavalier légendaire, Stetson blanc, chemise rouge et jeans Levi's, juché sur un pur-sang qu'il mène avec une souveraine nonchalance. Nous voyons là le modèle vivant de tant de photos trouvées dans les revues, nos propres guides et tant de sites internet. Sous un soleil de plomb, le héros de l'Ouest et son mustang, sur fond de rochers gigantesques, le regard tourné vers l'horizon ocre. C'est tout à la fois Hopalong Cassidy, Tom Mix, John Wayne et la réclame de Marlboro.

La visite dure plusieurs heures tant les arrêts sont nombreux. Nous traversons des zones contrastées. Certaines n'offrent que poussière rouge à perte de vue, d'autres accueillent herbes et arbres secs que nous visitons à pied en prenant garde à d'hypothétiques crotales. Il ne manque guère à notre inventaire de clichés bien réels que ces curieux buissons roulants que les Américains appellent "tumbleweeds". Il nous arrive de croiser un véhicule utilitaire monté sur des roues énormes et transportant dans quelque hameau du coin une imposante citerne d'eau potable.

Au sortir du parc, nous croisons les nouveaux arrivants qui feront le tour sous un soleil au zénith. En leur souhaitant bon courage, nous prenons la direction du Goulding's Lodge.

dimanche 21 août 2011

Chez les Navajos

Je quitte à regret le Grand Canyon. L'endroit est vaste et nous n'avons fait que passer là où d'autres s'installent, font des promenades à vélo le long des précipices ou descendent même dans l'abîme à dos d'âne. Un spectacle de danses indiennes auquel nous prévoyions d'assister est annulé à la dernière minute. Nous avons noté la présence d'une gare ferroviaire dans l'enceinte même du parc, à deux pas de logements.

Voilà qui me dirait bien pour un futur séjour : train du Far West, puis séjour tranquille avec des expéditions en vélo et spectacles de danses. Peut-être quand Alexandra sera plus grande...

Direction nord-est. Nous avons réservé une nuit dans un hôtel nommé The View, dans la réserve Navajo. Il donne, selon la réclame, en plein sur les fameuses buttes qui surgissent du désert. Pas de risque d'avoir une chambre mal située, elles sont toutes construites sur le même côté de l'édifice, plein est.

La route défile sans intérêt particulier. Nous passons à proximité de villes aux noms évocateurs : Cameron, Tuba City, Kayenta... Enfin, à l'approche de l'Utah, d'étranges silhouettes se dessinent au loin.

Pas de doute, il doit s'agir des mesas si typiques de westerns de notre enfance et dont nous contemplons la masse lointaine pour la première fois.

Le chemin vers l'hôtel quitte la route principale pour s'aventurer en plein désert. Nous sommes au beau milieu d'un océan de poussière rouge qui, nous le verrons bien assez tôt, s'insinue partout et recouvrira la Dodge d'une tenace pellicule de saleté ocre.

Juste avant l'hôtel, nous devons acquitter le droit d'entrée dans la réserve. Je montre la réservation au Navajo qui garde la guérite pour savoir si le droit de passage n'était pas, par hasard, inclus dans le prix de la chambre. Peine perdue, l'homme me dit que l'hôtel étant privé, je dois bel et bien payer quinze dollars, comme à l'entrée du Grand Canyon. En revanche, le circuit en voiture dans ce paysage de rêve sera gratuit. J'empoche la monnaie et jette un oeil sur Alexandra, muette de stupéfaction (et peut-être de peur) d'avoir vu son premier vrai Indien, comme dans Yakari !

Je m'attendais à une sorte de résidence touristique sans âme, je me retrouve dans un accueil décoré avec goût et grand ouvert sur le désert et les mesas. Je pense aussitôt à l'hôtel Overlook de Shining, sauf qu'ici les Indiens ne sont pas sous terre mais aux commandes. Notre chambre, comme toutes les autres, possède un balcon où l'on profite d'une vue unique. Là bas, entre les pics rocheux, nous apercevons les véhicules qui reviennent de leur visite dans Monument Valley. Nous-mêmes ferons le tour le lendemain matin, après avoir contemplé le lever du jour. Nous nous dirigeons vers le restaurant, en priant le ciel que nous ne soyons pas une fois de plus contraints à un buffet pléthorique.

Vaine crainte, la formule à volonté n'est qu'une option, et bientôt nous commandons des plats typiques accompagnés de pain najavo. Le fry bread est en réalité une galette frite, servie toute chaude et plutôt bienvenue. Nous constatons que la mie a des reflets bleutés. Mon plat, une sorte de ragoût, est appréciable sans plus. L'affaire passerait mieux avec un verre de vin californien ou de bonne bière, mais tout alcool est banni du territoire Navajo. Nous voilà au régime forcé eau et jus de fruits.

La terrasse offre le spectacle du couchant sur le désert. Un écriteau prétend que le point de vue était celui que John Ford préférait. Réalité ou propagande ? Va savoir... Pour l'heure, entre chien et loup, je me remémore l'extraordinaire scène de Searchers (La prisonnière du désert) dans laquelle Aaron Edwards pressent la menace invisible des Comanches.

Nous mettons le réveil à 5h00, afin de ne rien rater du lever du jour sur Monument Valley.

samedi 20 août 2011

Points de vue

Le lendemain matin, le programme est clairement établi : pour être tranquilles, nous rendons la chambre et chargeons l'auto. Ensuite nous poursuivons la visite du Grand Canyon avec la navette. Une fois de retour du premier circuit nous visiterons le reste en voiture, puisque certains points de vue sont accessibles à tout un chacun depuis la route. Fin de la visite et voyage vers Monument Valley.

La visite des points de vue confirme l'enchantement de la première impression, faite d'une telle immensité qu'elle paraît irréelle. Inutile d'aligner les superlatifs. Toutes ces images, nous ne les connaissions que trop bien depuis notre enfance, à travers livres d'images ou films d'aventure. Mais on a beau s'y attendre, rien ne préparait à une telle contemplation.

Et nous ne sommes encore qu'au début du séjour ! Je me demande si ce que nous avons prévu de visiter par la suite réussira à nous intéresser et ne sera pas complètement fade à côté des impressions de Grand Canyon ? On le verra, pourtant, nous n'étions qu'au commencement des merveilles.

Pour le déjeuner nous nous arrêtons dans un petit self service. Rien d'extraordinaire en vérité, mais je ne peux m'empêcher d'apprécier la tenue du lieu. Pas de poubelles débordantes, pas d'emballages vides sur le sol, même autour des tables de pique-nique. Les toilettes sont irréprochables sans avoir l'aspect quasi clinique que l'on remarque en Allemagne ou en Suisse. Le self n'est animé d'aucune musique, de sorte que nous entendons tous les murmures de la forêt. L'endroit est simplement accueillant comme un chez-soi familier.

On me demande de remplir un questionnaire sur le parc national du Grand Canyon. Je formule trois remarques.

Tout d'abord, qu'une boutique photo ferait fortune. Comment résister à la tentation de ramener un souvenir, même vague, de la démesure du panorama ? Tous les touristes sont munis de numériques reflex ou bridge. Qui serait assez fort pour renoncer à acquérir un objectif grand angle opportunément mis en vente au cœur même du Parc ? Je me prends à regretter le non-achat, même à prix fort, du zoom testé quelques jours plus tôt à Las Vegas..

Une telle boutique (ce sera ma seconde remarque) proposerait des kits de nettoyage des capteurs, inévitablement salis par des petites poussières à force de changer les objectifs. Je m'étonne de ne pas trouver le minimum (une simple bombe à air comprimé aurait fait l'affaire) dans le supermarché pourtant plutôt bien achalandé.

Je formule enfin la suggestion de compléter le rayon CD du magasin principal par de la musique classique américaine. Je sais que cela est une de mes marottes, mais tout de même, quel dommage d'avoir eu des artistes inspirés par l'endroit sans que l'on mette à profit leurs créations.

Prenez Ferde Grofé, surtout réputé pour avoir orchestré la Rhapsody in Blue de Gershwin. L'homme, bien américain malgré l'accent aigu de son nom issu d'une lointaine lignée française, a écrit une Grand Canyon Suite pour orchestre symphonique connue de tous les Américains. Le pas de l'âne de son mouvement central (On the trail) accompagne d'innombrables cartoons. J'ai même entendu cette musique dans le train qui fait le tour de Dysneyland Paris. L'oeuvre possède une tempête impressionnante (Cloudburst) et a été dirigée par Toscanini et Bernstein.

Plus anecdotiquement, je suggère aussi des oeuvres d'Anton Philipp Heinrich. Celui que l'on nomma le Beethoven américain est aujourd'hui seulement connu par quelques encyclopédies. Heinrich, si ma mémoire est bonne, avait illustré en musique l'improbable dialogue d'un rossignol et d'un ours par-delà le Grand Canyon. Une scène musicale dont l'écrivain Josef Škvorecký tire un passage savoureux dans son roman Scherzo Capriccioso (Dvořák in love).

mercredi 17 août 2011

Grand Canyon

Une lointaine réminiscence éblouit mon esprit alors que je contemple pour la première fois le Grand Canyon.

Depuis les hauteurs du Cap Corse qui surplombent la bourgade de Maccinaggio, je distingue, par-delà l'île italienne de Capraia, le bras de mer qui la sépare du continent ; et, encore plus loin vers l'est, la masse utopique des côtes toscanes,confondue avec les nuées vaporeuses de la Tyrrhénienne. Révélation saisissante pour un fils du rivage dont l’horizon maritime était, de toute éternité, borné par la terne et levantine silhouette de Capraia. Pour la première fois peut-être, je mesurais l'immensité d'un panorama dont les limites étaient repoussées au-delà de l'entendement.


Je retrouve cette stupéfaction face aux gorges du Colorado. Je n’aurais pas ressenti autre chose si la mer Méditerranée de mon enfance s’était soudainement asséchée, laissant voir gouffres hadaux aux parois vipérines, cordillères secrètes et failles insondables. D'innombrables lignes brisées zèbrent le canyon de fractales d’où s’élancent quelques audacieux conifères, survolés dans un silence mortel par des buses à queues rousses. Où que l’œil se pose, ce ne sont que haut-fond jaillissant çà et là en curieuses cimes de maintes combes abyssales, fulgurances de rocs aux balafres écorchées vives par on ne sait quelle véhémence originelle.

La distance avec l’autre rive surprend. Le canyon, gardons-le à l’esprit, n’est pas un ravin. J’ai le sentiment qu’on pourrait glisser un pays entier, avec ses villes, ses foules, ses fleuves, ses monts et ses vaux, dans le gouffre qui bée avec une telle démesure.

Le deuxième motif d’étonnement, une fois acceptée l’émotion de cette vision sans précédent, est l’absence de tout homme. Rien, au-delà de la barrière de sécurité contre laquelle se pressent les touristes pour mieux photographier (comme si gagner quelques misérables centimètres allait améliorer un point de vue si opulent dans sa vastitude), ne rappelle l’existence de l’être humain. Pas d’édifice, d'écran géant, de relais télévision ou d’antennes de téléphonie mobile. Nulle pancarte criarde signalant la présence d’un McDonald’s ou d'une station Texaco. Aucune maison, pas de route, pas de cheminée d’usine d’où s’échapperait quelque panache jaunâtre.


Aussi loin que je puisse remonter, je ne parviens pas à me rappeler un panorama terrestre à ce point épargné par l’importune présence de mes semblables. Jamais Forêt Noire, Mont Blanc ou landes de couleurs indéfinies ne m'ont donné un tel plaisir d'irréfutable isolement. Tout ici paraît préservé du bruit et de la musique idiots, des papiers gras et des reliefs de repas inappétissants.


Savoir conserver intacte la magie d’un tel endroit quand d’autres se seraient empressés de le prostituer n’est pas le moindre paradoxe de cette nation. Est-ce donc cela, l’Amérique des profits, égoïste et bouffie de morgue, insoucieuse des répercussions que l’âpreté au gain ferait courir à l’écosystème ? Faut-il réviser le portrait attristé invariablement dressé par les observateurs impartiaux, ne parlant des Etats-Unis qu’avec l’air navré qu’on prend pour évoquer un fils de bonne famille tombé dans la plus honteuse déchéance ?


Parlons argent, justement : l’entrée dans le parc naturel nous a coûté 25 dollars. L’autorisation, valable pour toute la famille, donne l’accès illimité au parc pendant une semaine entière. En raison d’un choix tardif (deux mois à l'avance quand le conseil est de s'y prendre une année avant le séjour), nous n’avons pu choisir ni l’hôtel, ni la chambre. Nous dormirons donc au Yavapai Lodge. Ce choix bien qu'imposé s'avère appréciable, tant la chambre est agréable et l'emplacement idyllique. Le prix de 120 euros ne nous paraît pas exagéré, d'autant plus que parking, bus et navettes sont entièrement gratuits.






Le chemin du Grand Canyon

Nous reprenons le chemin du Grand Canyon en suivant la Route 66.

Nous choisissons de ne pas nous arrêter au Skywalk. Cette attraction récente permet de contempler un canyon (pas "le" Grand Canyon, mais quelle importance, après tout) en faisant quelques pas sur un plancher de verre construit au-dessus du vide. Frisson assuré, semble-t-il, mais onéreux et par-dessus le marché sans possibilité de prendre des photos. Je suppose que les clichés seront faits par les animateurs du lieu, et revendus à prix d'or. A ce qu'on nous a dit, et en accord avec le Routard qui parle d'arnaque, l'expérience ne présente pas d'intérêt particulier.

Nous regrettons davantage de ne pas visiter les villes fantômes de la région, ces localités vidées de tout habitant et encore debout. Pourquoi vouloir absolument tout voir alors que le temps est compté ? A quoi bon ces heures de voiture pour aussitôt repartir, nantis de la maigre satisfaction "d'y être allés" ? Qui trop embrasse mal étreint. La région est riche et nous savons que nous ne visiterons pas tout. Le choix de ce que nous verrons et ne verrons pas a été fait depuis la France, après savant dosage des distances, des hôtels disponibles et du budget. Et encore, je me demande si nous n'avons pas été trop gourmands...

Les villes fantômes de l'Arizona, ce sera donc pour un autre voyage. Pour l'étape déjeuner, en revanche, nous nous arrêtons dans un authentique décor de western. La ville de Seligman, avec ses boutiques d'un autre âge et leurs écritures si caractéristiques du grand ouest, paraît un décor de cinéma. Nous nous arrêtons dans un restaurant mexicain conseillé par notre guide. La nourriture est bonne, sans plus : les portions sont énormes et, malheureusement pour nous qui admirons la cuisine mexicaine, préparées sans grande subtilité. Nous avons l'impression de laisser nos assiettes à peine entamées...

Devant le magasin de souvenirs qui jouxte le restaurant se trouvent les voitures héroïnes de Cars, le célèbre dessin animé. Ces véritables véhicules ont été transformés à l'image de Flash McQueen, la dépanneuse Martin et d'autres personnages dont le nom m'échappe. Pas vraiment intéressant, si ce n'est que la Route 66 est au cœur du scénario de Cars, à ce qu'on m'a dit, et qu'il s'agirait là d'un juste renvoi d'ascenseur de la part des vendeurs de souvenirs. Mais Seligman me rappelle confusément un personnage d'un de nos chefs d'œuvres nationaux... n'était-ce pas le nom du rabbin supposé accompagner Rabbi Jacob dans le film de Gérard Oury ? Là où tout le monde pense à Pixar, me voilà, dans ce coin paumé de l'Arizona, à évoquer Louis de Funès.

La musique de Vladimir Cosma en tête, je me rends compte une fois revenu au volant que la vitesse indiquée par le GPS est à très peu de choses près identique à l'indication du compteur. La fameuse tolérance observée en Europe (le tableau de bord qui affiche 110 quand la vitesse réelle est de 100 tout rond) serait-elle absente ici ? Toujours est-il que sans la moindre encombre nous nous présentons à l'entrée du parc, où il nous faut acheter un pass. Puis nous nous mettons en quête de l'hôtel. Les routes sont environnées de forêts denses, avec parfois une clairière où l'on entrevoit des cervidés. Nous roulons plusieurs kilomètres en nous posant la question : où est donc le Grand Canyon ?

Nous parquons la Dodge près du centre d'accueil indiqué sur la réservation. Sur place, un restaurant, un centre commercial et une pharmacie, en somme le minimum vital pour des promeneurs du dimanche comme nous. L'hôtel est à faible distance mais il faut reprendre la voiture (que croyant bien faire je m'étais acharné à décharger). Un belle surprise, l'endroit où nous dormirons est un édifice recouvert de bois et entouré par la forêt. La chambre n'a rien d'un bungalow rustique avec ses grands lits, sa vraie salle de bains, sa TV écran plat, et une immense fenêtre ouverte sur les arbres et les écureuils.

Pour rejoindre le Grand Canyon si convoité, nous devons prendre un autobus propulsé au gaz qui nous dépose à un arrêt éloigné de quelques minutes, où viendra nous prendre une seconde navette pour nous faire visiter les différents points de vue. Cela paraît compliqué mais tout s'éclaire quand nous examinons le plan du parc national : le circuit du premier autobus se contente de transporter les visiteurs entre les différents points d'animation (hôtels, restaurants...). Certains de ces arrêts sont aussi desservis par des transports dédiés aux visites du Grand Canyon. Cette visite s'effectue par des étapes le long de points de vue.

Nous arrivons au view point nommé Hopi Point au moment où le soleil s'abaisse sur l'horizon.

lundi 15 août 2011

La nostalgie 66

Kingman se trouve sur la Route 66. Le mot "route" est un faux ami, car il ne s'agit pas d'une voie de circulation comme l'on parlerait chez nous de l'Autoroute du Soleil ou d'une quelconque départementale de sous-préfecture. Il faut plutôt songer à un vaste itinéraire (tel est le sens du mot anglais "route"), mettant en relation nord-est et sud-ouest américains. Ce long chemin allant de Chicago à la banlieue nord de Los Angeles, sur la côte pacifique, porte en lui les espoirs et les douleurs de toute une nation. Ce fut le chemin des pionniers en quête de fortune, puis des masses de sans-travail lors de la crise de 29. Après la guerre, les voyageurs insouciants la sillonnèrent, heureux d'une prospérité sans précédent.

Sa dimension mythique est aujourd'hui parée de nostalgie. La concurrence des avions et de l'autoroute ont relégué la Mother road au rang d'axe de seconde importance. La Route 66 tient en quelque sorte d'une route fantôme, ne survivant que par l'évocation de son passé légendaire.

Le musée Route 66 de Kingman fait partager une réelle émotion à l'aide d'évocations simples et habiles. Le terme de musée est un peu inapproprié : l'endroit tient aussi bien du sanctuaire que du grenier, avec ses objets de tous les jours usés par l'âge mais présentés de la manière la plus naturelle qui soit, sa reconstitution de belles américaines aux carrosseries rutilantes et de stations service où il ne manque que la silhouette chaloupée de James Dean.





L'on n'associe pas spontanément l'Amérique, terre de pragmatisme et de progrès, au sentiment nostalgique. A bien y penser, pourtant, dès le milieu du XIXe, le courant littéraire nommé transcendantalisme, déjà écologiste, critique le monde moderne et réclame un retour à la nature. Relisons David Thoreau :

"J'ai la nostalgie d'une de ces vieilles routes sinueuses et inhabitées qui mènent hors des villes... une route qui conduise aux confins de la terre."

Un puissant courant nostalgique parcourt l'œuvre d'Ernest Hemingway, Francis Scott Fitzgerald, Tenessee Williams. Jack London et son Burning daylight. Truman Capote et sa nouvelle I remember my Grandpa (Un été indien). James Agee avec ses souvenirs d'enfance de Knoxville : Summer of 1915, magnifiquement mis en musique par Samuel Barber.

La quête du chez-soi est un classique de l'âge d'or d'Hollywood. "There's no place like home", soupire Dorothy, la jeune héroïne du Magicien d'Oz, film qui accompagne l'existence de chaque Américain. Que l'on pense encore à Gone with the wind ou Sunset Boulevard. Et la parabole de Citizen Kane n'est qu'une longue poursuite d'une idée nostalgique, le Rosebud de Foster Kane. Le passage vers la modernité et l'abandon de l'ère des mythes sont au cœur de L'homme qui tua Liberty Valence de John Ford : "quand la légende devient les faits, imprime la légende".

Cette évocation de l'Amérique tournée vers son passé m'accompagne alors qu'au sortir du musée, un poste de télévision admet que les États-unis seront peut-être incapables de résoudre la terrible question de leur dette.


dimanche 7 août 2011

Kigman, route 66

La ville étape de Kingman est notre tout premier contact avec l’Amérique profonde. La tempête dissipée révèle les grands espaces entrevus depuis la voiture. Finis les gratte-ciel, la foule empressée, les attractions et les palaces. Nous passons sans transition du somptueux Mirage à une chambre simple, au premier étage d’une baraque sans fioritures. Deux lits, une télévision, internet gratuit, salle de bain et coin cuisine pour moins de 45 euros.

L'acteur Andy Devine, fils du pays, donne son nom à l'avenue où se trouve l'hôtel. "Obscur acteur de westerns de série B", affirme sans broncher le Guide du Routard. On trouve pourtant le nom d'A. Devine au générique de Stagecoach et The Man Who Shot Liberty Valance, deux grands classiques de John Ford.

De nouveau d’attaque, malgré l’hématome désormais installé dans toute la partie gauche du dos, je reprends le volant pour visiter le quartier. La petite ville est étendue, aucun édifice de grande taille ne vient gâcher la vue du désert alentour.

Je me rends compte que ce n’est pas du tout ce que j’imaginais. A mon insu, mon esprit avait construit l’image d’une sorte de ville de province française, avec des bâtiments en pierre, une place centrale avec son église, ses petits commerces. Je me retrouve dans un endroit placide et ample où villas et immeubles de bureau se partagent l’espace. Les rues sont rectilignes et se recoupent toutes à angle droit. De partout l’on distingue largement le ciel dans toutes les directions. Nous ne voyons pas grand monde.

Les commerces, pas très loin, ne sont accessibles que depuis l’autoroute. Voiture obligatoire. Nous visitons quelques magasins, étonnés par les prix. Tout est moins cher que chez nous. A la réflexion, je me dis que le tarif affiché correspond à peu de choses près aux prix français d’avant la hausse du passage à l’euro.

Dans le Walmart du coin, je me mets en quête d’une paire de chaussures. Le choix ne manque pas mais je ne suis pas séduit par des modèles criards et pseudo-technologiques qui semblent sortir de la série Goldorak. Mon choix se porte sur des chaussures sobres. Je ne connais pas l’équivalent de ma taille et les essaye au jugé. Par chance, elles me vont comme des chaussons, enveloppent agréablement mes pieds et se referment par un système Velcro tout simple que je n’avais encore jamais vu. Et tout cela pour moins d’une quinzaine d’euros… Un polo à 2 dollars complète mon panier.

Pour le souper, nous choisissons ce qui semble être un simple diner mais qui s’avère être un buffet populaire. Après les excès de Las Vegas, ce n’est pas ce que nous recherchions. Tant pis ! Nous payons le droit d’entrée et nous installons en salle.

Dorénavant, toute la nourriture disponible est offerte à volonté. Et ce n’est pas ce qui manque : légumes, poisson, poulet, viandes rôties, soupes, pâtes, pizzas, tourtes, desserts et fruits frais s’alignent généreusement le long de présentoirs. Nous restons raisonnables et privilégions la dégustation par échantillonnage. Dommage que la viande soit si sucrée, mais la qualité générale est plutôt recommandable. Je commande un plat de crevettes à la cajun, agréable sans être exceptionnel. Je constate que les autres convives, visiblement des habitués, ne sont pas les obèses que j’imaginais trouver dans un tel lieu. Il y a des personnes grosses, bien sûr, mais je ne saurais dire si j’en vois plus ici qu’en France. La plupart des gens sont même plutôt minces à mon étonnement.

Kingman cultive le souvenir de la Route 66 qui traverse la ville. Nous visitons un musée consacré à « la mère de toutes les routes » qui permit jadis de relier l’Est et l’Ouest. L’endroit reconstitue avec imagination des scènes typiques des grandes époques de la 66 : au temps des pionniers, de la Dépression ou de l’après-guerre triomphant. Un endroit ludique et accueillant, simple et belle invitation au partage, avec une pointe de nostalgie.


Viva Las Vegas

Aujourd'hui se termine notre séjour à Las Vegas, nous partons pour l'aéroport où nous attend une voiture de location réservée depuis la France. Ce soir, nous allons passer la nuit dans l'Arizona, à Kingman.

Je devrais dire encore quelques mots sur Sin City, mais c'est difficile. "Celui qui ne l'a pas vu ne peut pas le croire, celui qui l'a vu ne peut pas comprendre et celui qui a compris devient fou" :-) Je l’ai vu comme une ville absolument démente ou l’"entertainment" à l'américaine atteint des sommets parfois difficiles à comprendre pour les Européens. Règne absolu du kitsch, de la mégalomanie et des décors de pacotille. Un gigantesque Disneyland pour les adultes.
Je ne parle même pas des jeux et des casinos, ce n’est pas typique de Las Vegas, le jeu est dans la nature humaine et c’est comme ça partout. Mais par exemple, un des plus populaires restaurants locaux est le Dick’s, où les serveurs vous engueulent et vous disent des gros mots. Malgré mon désir d'immersion dans la culture locale, je sens que je ne pourrais pas apprécier un tel endroit et je me contente seulement de faire quelques photos à l’entrée :-)


 Pendant les trois jours passés à Las Vegas nous avons essayé de prendre le pouls de la ville sans jouer ... je pense que nous sommes les seuls qui n'ayons pas joué un seul cent (sauf dans le casino pour enfants:-)). Pas uniquement par manque d’envie mais parce que l'enfant n'est pas autorisé :-). Sinon, je suis restée bouche bée face à la mégalomanie des hôtels du Strip, j'ai vu quelques attractions, pas toutes, les vacances et le budget ne sont pas assez longs ... Nous avons regardé le spectacle d’éruption du volcan au Mirage, nous sommes passés par un tunnel de verre entouré par des requins au Mandalay Bay ... Certains peuvent même plonger dans les aquariums énormes et jouer au chat et à la souris avec les requins, tout ça pour 650 $, un autre plaisir difficile à comprendre. Nous avons payé 18 $ par personne pour les voir derrière les vitrines. Nous avons visité Paris, Venise et New York le même jour, nous avons contemplé les fontaines dansantes devant le Bellagio, nous avons joué au casino pour les enfants, nous avons beaucoup marché et nous avons fondu dans la chaleur du désert.










 Le dernier soir nous l'avons réservé pour Stratosphère, une tour haute de plus de 300m d’où la vue est magnifique : une explosion des lumières dans l'obscurité du désert. En fait l’image m’était familière, je l’avais vue tellement de fois dans la série des Experts :-)) Mais la voir en direct c’est différent. Encore plus haut, carrément sur le sommet les sensations deviennent extrêmement fortes, avec des manèges fous qui tournent au-dessus du vide et des sauts à l’élastique ... Nous n’avons pas essayé, nous ne les avons même pas approchés, nous nous sommes contentés de la vue.



samedi 6 août 2011

L’Arizona

Confortablement installé à mon poste de pilotage, je me laisse porter par cette rétrospection un peu lénifiante alors que le GPS affiche le drapeau à damier. Cela signifie que notre destination, l’hôtel Quality Inn de Kingman, est désormais droit devant. Et pourtant, nous venons juste de quitter Las Vegas. L’hôtel se trouve donc en bordure de cette large voie de passage ? J’ai un peu de mal à me faire à cette idée, quand la force de l’habitude me préparait à emprunter des chemins détournés traversant faubourgs et zones industrielles pour parvenir à destination.



La highway est à mi-chemin entre nos nationales et nos autoroutes. Les deux chaussées ne sont pas séparées, mais la vitesse limite est de 65 miles (105 kilomètres) par heure. Je remarque de temps à autre une pancarte « Adopt a highway ». Il serait donc possible de parrainer, si je comprends bien, la route que nous empruntons ? Et c’est bien le cas, je m’en persuade en lisant sur ces mêmes pancarte l’identité des adoptants : entreprises, particuliers, familles entières ou groupe d’amis voulant honorer la mémoire d’un cher disparu. Je me demande un instant si je ne vais pas demander, moi aussi, à faire apparaître mon nom au bord d’une improbable chaussée yankee…

Nous passons à proximité de Hoover Dam, énorme barrage construit pendant la dépression des années 30, sans nous arrêter. L’Arizona nous accueille par un ciel noir qui finit par crever en trombes abondantes. Comment est-ce possible, après la belle chaleur estivale de Vegas encore toute proche ? Me voilà en short et chemisette au plein cœur d’une tourmente inondant de grosses gouttes mon pare-brise, tel celui de Janet Leigh en fuite dans Psychose


A travers deux coups d’essuie-glace nous identifions enfin le panneau haut perché qui annonce l’hôtel. Je me range devant la réception et m’apprête à affronter la bourrasque qui me sépare de l’entrée. Passeport et carte de crédit en main, sac de voyage dans l’autre, je m’élance vers le hall, atteins le porche, vais tendre la main vers la poignée salutaire… et tombe à la renverse dans un ignoble clapotement. Le carrelage glissant m’a pris en traître et, déséquilibré par la petite valise que j’ai voulu emporter pour gagner du temps, me voilà à terre, une douleur exquise et subite dans les lombes gauches. Je jette un œil à la voiture, espérant un prompt renfort de mes accompagnatrices, mais elles n’ont rien vu de mon salto arrière digne de Candeloro au pire de sa forme. A travers le grain je les discerne, bien douillettement installées dans la Dodge, inconscientes du drame qui me mortifie le râble et l'amour-propre.

Le réceptionniste accourt avec des cris désolés et me remet sur pieds. Il semble étonné que je n’aie rien de grave et me regarde avec commisération, puis jette un œil sceptique sur mes sandales Decathlon. A cette seconde précise je prends la décision d’acquérir de vraies chaussures à la première occasion.

Clopin-clopant, je vais faire le check-in, malgré mon passeport détrempé que je mettrai à sécher le soir même.

Notre chambre se trouve dans un bâtiment séparé. Je reprends donc la petite valise et rejoins le 4x4, cette fois-ci à allure modérée.