samedi 6 août 2011

L’Arizona

Confortablement installé à mon poste de pilotage, je me laisse porter par cette rétrospection un peu lénifiante alors que le GPS affiche le drapeau à damier. Cela signifie que notre destination, l’hôtel Quality Inn de Kingman, est désormais droit devant. Et pourtant, nous venons juste de quitter Las Vegas. L’hôtel se trouve donc en bordure de cette large voie de passage ? J’ai un peu de mal à me faire à cette idée, quand la force de l’habitude me préparait à emprunter des chemins détournés traversant faubourgs et zones industrielles pour parvenir à destination.



La highway est à mi-chemin entre nos nationales et nos autoroutes. Les deux chaussées ne sont pas séparées, mais la vitesse limite est de 65 miles (105 kilomètres) par heure. Je remarque de temps à autre une pancarte « Adopt a highway ». Il serait donc possible de parrainer, si je comprends bien, la route que nous empruntons ? Et c’est bien le cas, je m’en persuade en lisant sur ces mêmes pancarte l’identité des adoptants : entreprises, particuliers, familles entières ou groupe d’amis voulant honorer la mémoire d’un cher disparu. Je me demande un instant si je ne vais pas demander, moi aussi, à faire apparaître mon nom au bord d’une improbable chaussée yankee…

Nous passons à proximité de Hoover Dam, énorme barrage construit pendant la dépression des années 30, sans nous arrêter. L’Arizona nous accueille par un ciel noir qui finit par crever en trombes abondantes. Comment est-ce possible, après la belle chaleur estivale de Vegas encore toute proche ? Me voilà en short et chemisette au plein cœur d’une tourmente inondant de grosses gouttes mon pare-brise, tel celui de Janet Leigh en fuite dans Psychose


A travers deux coups d’essuie-glace nous identifions enfin le panneau haut perché qui annonce l’hôtel. Je me range devant la réception et m’apprête à affronter la bourrasque qui me sépare de l’entrée. Passeport et carte de crédit en main, sac de voyage dans l’autre, je m’élance vers le hall, atteins le porche, vais tendre la main vers la poignée salutaire… et tombe à la renverse dans un ignoble clapotement. Le carrelage glissant m’a pris en traître et, déséquilibré par la petite valise que j’ai voulu emporter pour gagner du temps, me voilà à terre, une douleur exquise et subite dans les lombes gauches. Je jette un œil à la voiture, espérant un prompt renfort de mes accompagnatrices, mais elles n’ont rien vu de mon salto arrière digne de Candeloro au pire de sa forme. A travers le grain je les discerne, bien douillettement installées dans la Dodge, inconscientes du drame qui me mortifie le râble et l'amour-propre.

Le réceptionniste accourt avec des cris désolés et me remet sur pieds. Il semble étonné que je n’aie rien de grave et me regarde avec commisération, puis jette un œil sceptique sur mes sandales Decathlon. A cette seconde précise je prends la décision d’acquérir de vraies chaussures à la première occasion.

Clopin-clopant, je vais faire le check-in, malgré mon passeport détrempé que je mettrai à sécher le soir même.

Notre chambre se trouve dans un bâtiment séparé. Je reprends donc la petite valise et rejoins le 4x4, cette fois-ci à allure modérée.

1 commentaire:

  1. En fait le réceptionniste voulait s'en assurer que tu ne le poursuives pas en justice pour la chute. Tu aurais pu.

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