jeudi 1 septembre 2011

Kanab

Une énorme lettre K marque de sa blancheur la colline voisine. Kanab s’annonce ainsi de loin aux visiteurs terrestres et aériens. Le Parry Lodge, belle maison coloniale qui rappelle Gone with the wind, se trouve à l’endroit où la route principale s’incurve vers la gauche. Le hall d’accueil est décoré par une multitude de clichés d’acteurs venus ici même tourner des centaines de westerns. Beaucoup de portraits sont dédicacés, mais les noms ne me disent pas grand-chose. Je note qu’au-dessus du passage vers les cuisines, quelqu’un a fixé une photo d’Annie Girardot, avec ces simples mots : « 1931 – lundi 28 février 2011. 79 ans. Bon voyage Annie, we will never forget you ». Les amateurs de cinéma du coin savent donc regarder au-delà de leur production locale. Un pied de nez aux contempteurs de l’Amérique profonde et évidemment inculte.

Notre chambre se trouve dans l’une des habitations qui cernent un grand espace derrière l’accueil. Nous serons protégés des nuisances sonores de la route. Au centre de la place, une vieille grange (Old barn) héberge un cinéma où chaque soir la direction projette un western tourné dans la région. Les séances sont gratuites pour les hôtes.

Nous héritons de l’habitation baptisée « Broderick Crawford », un obscur acteur des années 1950 (qui devait tout de même tourner avec Fellini dans Il Bidone). Un grand lit, un bureau, une salle de bains, une télévision. Pas de réfrigérateur, mais l’accès au distributeur de glace est gratuit. Nous garderons ainsi bien au frais dans une poche isotherme nourriture et boissons.

Le Parry Lodge possède une histoire similaire à celle du Goulding’s Lodge de Monument Valley. Les époux Parry s’employèrent à faire venir les vedettes de Hollywood à Kanab. Sur place, ils trouveraient calme, hébergement, piscine et naturellement les décors ad hoc pour les paysages sauvages. Le Parry Lodge deviendrait ainsi le pied à terre des équipes de tournage.

J'ai le sentiment que la ressemblance s’arrête là. Quand John Ford réalisait ses chefs d’œuvres à Monument Valley, ce sont souvent des tâcherons sans génie qui venaient tourner des séries B à Kanab. Telle est du moins mon impression en contemplant la liste interminable des films réalisés ici, où les classiques ne sont pas absents mais assez rares. L’art irremplaçable du grand cinéaste versus l’industrie ronronnante des seconds couteaux sans lendemain… Je me souviens des secondes parties de soirée de La dernière séance, la fameuse émission disparue d’Eddy Mitchell, avec ses films parfois sympathiques mais bien justement oubliés.

Seuls quelques noms de vedettes donnés aux habitations nous parlent encore : Tyrone Power, Frank Sinatra, et même un certain Ronald Reagan, qui ne devait certes pas espérer accéder à la notoriété par ses seuls talents d’acteur.

Nous testons la piscine. Malgré le grand soleil, l’eau est un peu fraîche, histoire de nous rappeler que la ville est en altitude. 1500 mètres tout de même, c’est un demi-kilomètre plus haut que le centre-ville de Chamonix ! Nous comprenons l’écriteau dressé à l’entrée de Kanab : capitale américaine des sports de neige. Et nous n’étions qu’au début de nos découvertes…

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